LA PUBLICATION DES ÉLUS VERTS - ANCIEN ÉDITORIAL BREST OUVERT 27
S - EAU - S
Le numéro de février
1995 de la revue "Que Choisir" rappelait que la facturation au forfait avait
été pain béni pour les distributeurs d'eau. En faisant
payer à tous les abonnés un quota minimum de mètres cubes
(30 m3 par exemple) ils avaient trouvé un excellent moyen de s'assurer
des recettes fixes, mais souvent au détriment des usagers qui devaient
payer le prix fort même s'ils n'avaient consommé que quelques mètres
cubes.
Le système constituait un véritable encouragement au gaspillage,
c'est pourquoi la loi sur l'eau du 3 janvier 1992 décidait l'abandon
de la facturation au forfait (sauf dérogations accordées par le
préfet).
Pour autant cette loi autorisait la facturation "d'un montant calculé
indépendamment du volume consommé, compte-tenu des charges fixes
du service et des caractéristiques du branchement".
Pour de nombreux distributeurs cet "abonnement" allait devenir un moyen commode
de remplacer le forfait supprimé, à ceci près que la facture
minimale de 500F, 1000F ou 1500F ne donnait plus droit à une seule goutte
d'eau!
Cette dérive est constatée par le rapport de la "commission de
la production et des échanges" de l'Assemblée Nationale daté
du 8 novembre 1995 et publié sous le titre "Le prix de l'eau : de l'explosion
à la maîtrise?". On y rappelle le principe retenu par la loi du
3 janvier 1992 d'une "tarification assise sur le volume d'eau réellement
consommé par l'usager" avec le double objectif :
- de lutter contre les gaspillages
- de rétablir l'équité entre les usagers
Le rapport constate cependant le détournement de la loi au travers le
recours à la part fixe qualifié de" forfait déguisé".
Dans certains cas celle-ci peut atteindre jusqu'à 90% de la facture.
Ne faudrait-il pas dans ce cas parler de "forfait aggravé"?
Quelques exemples dans le Finistère
Le Finistère est d'abord le département où le prix moyen
de l'eau est de 25% supérieur au prix moyen pour l'ensemble de la France
(19F/m3 au lieu de 15F/m3 pour l'année 1997). Ce chiffre moyen masque
d'ailleurs de larges disparités : 14F à Chateaulin par exemple
contre 25F à Landerneau et 30F au Conquet (calculés sur la base
de 120m3 par année). Ce prix élevé est encore accentué
pour les petits consommateurs par un recours exagéré à
la part fixe dans certaines communes. Les pratiques en ce domaine sont très
variables. La Communauté Urbaine de Brest qui est incontestablement le
plus gros distributeur du département (plus de 200 000 habitants desservis)
se contente d'une part fixe raisonnable de l'ordre de 50f pouvant se justifier
par le maintien d'une relation commerciale minimale entre le distributeur et
son client ( il faut au moins relever le compteur même si rien n'est consommé).
A côté de cette situation satisfaisante on trouve une part fixe
de 500F à Landerneau et un record de 1500F pour le "syndicat de Kermorvan"
(région du Conquet et de Plougonvelin). Le consommateur de 10m3 (cela
existe) se verra ainsi facturer 23F le m3 à Brest contre 70F à
Landerneau et 168F au Conquet. La caricature de ce système pourrait être
illustrée par cet abonné du Conquet absent de chez lui pendant
un an et qui se voit facturer 1515F pour une consommation quasi nulle !
L'exemple du syndicat de Kermorvan
Le maintien du forfait a été autorisé par certains préfets
pour des communes touristiques, l'idée étant de grossir la facture
des estivants. La méthode est à l'évidence discutable car
elle encourage au gaspillage. Elle l'est d'autant plus qu'elle se trompe de
cible, le résident secondaire muni d'un compteur d'eau ne constituant
plus l'essentiel de la population estivale.
Le "syndicat de Kermorvan" est constitué par les communes de Lampaul-Plouarzel,
Le Conquet, Locmaria-Plouzané, Plouarzel, Plougonvelin, Ploumoguer, Trébabu.
Ces communes sont incontestablement des communes touristiques, les résidents
permanents y sont 14 000 pour 35 000 résidents saisonniers. Est-ce la
raison pour laquelle une "part fixe" de 1 500F y est perçue? Si tel était
le cas nous ferons d'abord remarquer que la plupart des résidents saisonniers
ne sont pas des résidents secondaires. Nous avons estimé à
7 000 le nombre des résidents secondaires disposant d'un compteur contre
28 000 résidents saisonniers qui, en hôtel, ou au camping consomment
sans être abonnés.
Paradoxalement c'est donc cette population de passage et qui représente
80% de la population estivale qui tire le meilleur parti du système.
Ils ne paient pas de part fixe et de plus la part proportionnelle leur est facturée
moins chère car les tarifs sont inférieurs dans les structures
où ils résident (au dessus de 300m3 un tarif dégressif
étant appliqué).
On peut évaluer cette différence : 2 mois de camping pour une
famille de 4 personnes consommant 20 m3 seront facturés environ 300F,
dans le même temps une famille équivalente de résidents
secondaires disposant d'un compteur et payant donc la part fixe devra s'acquitter
de 1 800F pour la même consommation.
Il ne s'agit pas ici évidement d'opposer deux types de consommateurs
tout aussi légitimes, mais de pointer une discrimination inattendue introduite
par le recours à la part fixe. Contrairement à une idée
reçue, le plus pénalisé par ce système n'est donc
pas l'estivant mais le résident faible consommateur (et donc économe).
En conclusion
Le recours à la part fixe constitue une flagrante inégalité
entre usagers. Il pénalise le petit consommateur, il dissuade de tout
effort d'économie. Il serait souhaitable de faire entrer dans les faits
la règle de facturation réellement proportionnelle à la
consommation en ne conservant qu'un abonnement minimal correspondant au simple
maintien d'une relation entre le distributeur et son client. Une somme de l'ordre
de 50F, comme cela est pratiqué par la Communauté Urbaine de Brest,
est largement suffisante pour maintenir ce contact.
Gérard Borvon, Président de S-EAU-S
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