LA PUBLICATION DES ÉLUS VERTS - ANCIEN ÉDITORIAL BREST OUVERT 36

Débat "libre parole sur le Kosovo"

 

 

Cette guerre et son cortège de drames humains occupe tant nos esprits depuis deux mois que dans ce numéro, la guerre au Kosovo sera pourtant le thème (presque) unique, alors que dans Brest ouVert, nous accordons la priorité aux dossiers locaux ou régionaux.
Cette guerre suscite de nombreuses interrogations chez les Verts que l’on retrouve aussi dans l’ensemble de la société.
Quel est le bien-fondé de l’intervention de l’OTAN ?
Quelle est l’utilité des bombardements ?
Il y en a d’autres plus spécifiques à notre mouvement de "tradition pacifiste" :
où en est le concept de défense civile, de l’interposition non violente ?
Dans ce numéro, trois militants Verts du pays de Brest livrent leurs opinions qui expriment ces interrogations tout en dénotant des préoccupations communes.
La guerre est à notre porte mais désormais les réfugiés sont chez nous. Nous verrons aussi dans ce numéro les efforts qu’entendent déployer les associations brestoise de solidarité pour les accueillir dans des conditions humaines et préparer leur retour dans un Kosovo qui aura bien besoin de toute la solidarité internationale pour se construire un nouvel avenir.

Depuis plus de dix ans, l’Europe n’a pas été capable de s’opposer seule aux nationalistes serbes. Certains de ses membres ont reconnu de manière trop rapide la CROATIE et la SLOVAQUIE. Peu nombreuses étaient à l’époque les voix s’élevant pour demander une conférence balkanique permettant de résoudre pacifiquement les difficultés aigües de la région. L’aide économique nécessaire n’a pas été attribuée, et au KOSOVO, Monsieur Rugovar était bien esseulé, même si des contacts avec les VERTS européens existaient.
Nous sommes, écologistes, animés par une tradition non-violente. Toutefois, deux exemples récents, le RWANDA et l’ex-Yougoslavie, montrent les limites de la non-violence. Non-violence, il faut le souligner dont rien n’est fait officiellement pour l’enseigner, la développer, l’instaurer culturellement de manière majoritaire. La non-violence économique, le désarmement, permettraient d’éviter des conflits, et il est donc urgent de lutter sur tous les fronts pour un développement durable.
Les VERTS ont toujours soutenu ces solutions et leurs propositions, tant nationales qu’internationales y sont fidèles. Hélas cela n‘a pas suffi, aujourd’hui, le conflit est déclaré, existe, les faits sont têtus et la guerre est sale, elle tue. Les pauvres utilisent des armes de pauvres et les riches des armes de riches.

L’Europe, nain politique

Le poids des U.S.A. dans l’OTAN, leur poids aux négociations de Rambouillet ont fait que la solution pacifique n’a pu être acceptée car l’OTAN prenait la place qui aurait dû échoir à l’ONU ou à une force européenne. Cette guerre est donc également le fait du "nanisme" politique de l’Europe. Cela n’enlève rien aux lourdes responsabilités des MILOSEVIC et consorts.
Lorsque toutes les solutions pacifiques, diplomatiques ont échoué, le programme européen des VERTS prévoit le cas de conflit déclaré. La priorité doit alors être "le rétablissement de la paix, au besoin par la force, avec pour but la protection des populations civiles non-armées, l’obtention de l’arrêt des hostilités, l’établissement des conditions d’un règlement négocié".
C’est ce qui nous vivons aujourd’hui, le conflit existe, des avions européens, français, et surtout américains, bombardent l’ex-YOUGOSLAVIE. La protection des populations civiles n’est pas assurée, elle ne pourrait l’ être que par l’envoi de troupes au sol, mais les pays riches ne supportent plus que le sang versé sur écran.
Pour nous, écologistes, cette guerre doit nous obliger à (re)penser le concept de défense.
Quels moyens sommes-nous prêts à donner à une force européenne de défense ou /et d’interposition, en terme d’ équipements, de décision, de surveillance et de renseignements, de missions, de budgets?
N’avons-nous pas les moyens de prévoir des hélicoptères, des navires garde-côtes, des satellites qui puissent effectuer des missions civiles ( surveillance du territoire, protection civile, garde-côtes) et de guerre quand, hélas, toutes les autres solutions n’auraient pas abouti?
BREST, dont la vie est étroitement liée aux industries de défense et à la marine nationale doit maintenant se situer dans cette logique européenne de défense et de développement durable. La diversification de l’arsenal passe également par la construction d’ éoliennes, de pompes, de panneaux solaires, permettant l’autonomie des peuples du sud par exemple. Les compétences existent, c’est la volonté politique qui manque.
Dans le guerre et la manipulation médiatiques que se livrent les belligérants, il est difficile de savoir si MILOSEVIC acceptera rapidement de retirer toutes les forces participant au nettoyage ethnique du KOSOVO, ouvrant ainsi la possibilité de négociation.
L’OTAN acceptera-t-elle la suspension des bombardements si les Serbes en font une condition de retrait ?
Mais lorsque celle-ci aura débuté, nous -l’Europe-devrons aider tous les peuples de la région à retrouver leurs foyers, rétablir la démocratie, bâtir un développement durable pour leur permettre à nouveau de vivre ensemble. Sinon, nous risquons de devoir gérer, durant de nombreuses années, des actes terroristes ou une libanisation de quelques états de la région.
En attendant, j’accepte ces frappes aériennes et souhaite qu’une force terrestre internationale, sous mandat de l’ONU, puisse permettre aux réfugiés de la région de retrouver leurs foyers, ou ce qu’il en reste.
L’échec du pacifisme et de la négociation?

Yvon Saout

 

Guerre du Kosovo et Défense européenne

Il est tout à fait indécent de parler de victoire, de défaite, ou que " le temps joue en notre faveur " dixit l’Otan, au regard des malheurs engendrés par cette guerre.
Déportation et dislocation géographiques physiques et morales d’une population d’un million de personnes, destruction de la Serbie et du Kosovo sont les résultats objectifs des bombardements, sans nier pour autant la responsabilité et les exactions criminelles du dictateur élu Milosevic. L’opération militaire de l’Otan a produit des effets qui nous engagent dans une spirale où la négociation et la réflexion n’ont peut être plus cours. Si l’OTAN a décidé son intervention c’est parce qu’elle considérait que le principe de droit international de " Souveraineté des Etats " avait fait son temps pour laisser place au droit d’ingérence fondé sur les Droits de l’homme. A ce tarif là, il ne peut être question de l’indépendance du Kosovo puisqu’elle reviendrait à instituer une certaine souveraineté nationale pour un peuple Kosovar composite et de plus en plus divisé. Une cohabitation entre Albanais et serbes Kosovars est elle possible?
Bien sûr, le Droit évolue et notre devoir est de le faire évoluer, mais la première force des démocraties est dans le respect du Droit. En ce sens, cette guerre n’est pas un combat de la " civilisation contre la barbarie ". Ou bien cette civilisation est encore barbare car elle ne rechigne pas à utiliser la force brutale pour imposer ses valeurs, à négliger le Droit international actuel, et même à s’associer à des partenaires qui bafouent ces mêmes valeurs dans la gestion de leur Etat (la Turquie) ou il ne s’agit pas de défendre les seules valeurs de notre système démocratique (le moins mauvais des systèmes) mais plutôt de favoriser notre ordre mondial et de protéger les intérêts globaux de nos économies occidentales "avancées ".
Cette guerre du Kosovo, a démontré l’impuissance citoyenne des démocraties occidentales dans lesquelles la représentation nationale n’est même plus consultable et qui est basée non sur le débat citoyen mais sur la discussion d’experts sur les résultats des sondages.
L’utopie d’une démocratie européenne ne peut reposer sur un complexe industrialo-militaire susceptible, de concurrencer la puissance américaine, de rattraper notre retard au sujet de la technologie guerrière, de fonder un deuxième pilier de l’OTAN. Placée sous l’autorité morale de l’ONU et du Droit international une politique de défense européenne ne peut s’assumer que sur son propre territoire afin d’assurer la sécurité des personnes et les droits fondamentaux des démocraties (prévention des conflits, protection des minorités, défense des droits de l’homme, promotion et protection des libertés publiques).
Pour ce faire nous avons de nombreux outils :
• le Conseil de l’Europe qui rassemble plus de 40 états européens et qui a compétence pour la défense des Droits de l’Homme.
• l’OSCE qui peut mettre en place des observateurs civils dans les zones européennes en crise.
L’impulsion doit venir de la communauté européenne et un premier pas pourrait consister, par la volonté du Parlement Européen, en la mise en place d’une Communauté de Promotion et de Protection de la Démocratie en Europe, qui, à l’instar d’Amnesty International, rendrait public et diffuserait largement un rapport annuel sur l’Etat des démocraties européennes. Le Parlement européen et les parlements nationaux auraient la responsabilité de débattre et de valider ce rapport chaque année. Pour ce qui concerne le territoire européen, la question de la défense européenne n’est plus une question militaire car la guerre du Kosovo conduit a des impasses en démontrant les limites et les ravages d’une puissance basée sur la seule force militaire..

Bernard Uguen

On fait la guerre quand on veut, on la termine quand on peut.

Le titre de cet article est une citation de Machiavel dans "le Prince" qui résonne,hélas, avec une certaine pertinence dans le conflit actuel au Kosovo.
Il n’est pas facile de comprendre ce drame compliqué tant ses dimensions ethniques que nationalistes, qui dure depuis plusieurs années dans cette région de l’Europe. Et encore moins d’en parler dans le contexte actuel. Il est cependant nécessaire d’oser le faire, de participer au débat citoyen ! Comment ?
Au delà des positions pour ou contre ne convient-il pas de favoriser l’expression de convictions, d’interrogations, d’interpellations, de réflexions en tentant de trouver quelques réponses hiérarchisées et de dégager quelques lignes de cohérence et quelques priorités pour l’action ?
La question la plus urgente est celle de la terrible épreuve imposée aux populations civiles par la terreur que fait régner le régime de Milosévic, aggravées par les frappes aériennes de l’OTAN. Arrestations massives, exécutions, concentrations, déportations, expulsions sont les composantes de cette nouvelle épuration ethnique. Plusieurs centaines de milliers de personnes viennent grossir le flot des réfugiés et déplacés dans le monde (20 millions). La capacité d’accueil des pays riverains du Kosovo (Albanie, macédoine, Monténégo) est déjà dépassée. Les risques de déstabilisation de ces pays sont grands et si l’aide internationale ne s’était pas organisée rapidement la famine viendrait s’ajouter à la guerre. Aussi, au delà du nécessaire débat sur les causes du conflit, sur les responsabilités, sur le choix des solutions pour tenter d’y mettre fin, sur les erreurs commises, etc... l’urgence aujourd’hui est de sortir de l’engrenage de la violence et d’éviter l’enlisement en arrêtant les frappes aériennes de l’OTAN, tout en mettant en place l’aide humanitaire européenne et internationale sous l'égide de l’ONU et sous la protection de forces d’interposition placées sous son autorité Cet arrêt des bombardements devrait aussi servir à la relance de la diplomatie et à la recherche de solutions négociées pour aller vers une paix durable.
Dès maintenant, nous, citoyens et associations pour la paix, les droits de l’homme, la solidarité, mobilisons nous pour un vaste mouvement populaire de solidarité internationale avec les populations civiles opprimées, réfugiées... et un soutien aux mouvements qui œuvrent sur place pour construire la paix, la démocratie, le "vivre ensemble".

 

Roger Abiven

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